Regards Croisés

Ce blog est un espace d'échange pour les 6 photographes (3 mexicains et 3 français) sélectionnés dans le cadre de l’échange culturel et artistique entre la région Bretagne et le Mexique BREIZH-MEX, pour réaliser une résidence de deux mois au cours de l’année 2010, respectivement en Bretagne pour les mexicains et au Mexique pour les français. Les photographes développeront un projet sur le thème de REGARDS CROISES. Ce programme de résidence sera suivi d’une exposition itinérante en France et au Mexique, et de l’édition des travaux du concours.


Nicolas Comment (France)

Fotógrafo francés
En residencia en Mexico del 28 de junio al 14 de agosto de 2010

MEXICO PHOTO BLUES

Una frase de André Breton escrita en un cuaderno a lo largo de unas lecturas me hizo soñar: Soñé con México y estoy en México: pasar de uno a otro se hizo de esta manera, sin el menor choque.

En el país del sueño, tan rico como vasto, tenía que encontrar a un guía. Un guía espiritual, no turístico… y encontré a tres. El primero me fue sugerido por mi amigo Bernard Plossu (Fotógrafo francés, autor de Viaje Mexicano, 1966) quien me aconsejo leer el famoso libro de Malcom Lowry, Bajo el volcán. Es una obra asombrosa que me abrió la puerta de un México enigmático y mágico, y que me “trasladó del otro lado de las cosas” (Artaud). El viaje parecía empezar aquí, y entonces, empecé a dibujar puntos sobre una línea que me hizo seguir rápidamente las huellas del Cónsul de Lowry en Cuernavaca. Entonces, investigué, anoté escrupulosamente los lugares y las direcciones, compulsé breviarios y sitios de Internet que se parecían a laberintos, cuando de repente, llegué al 212 de la calle Orizaba en la Ciudad de México, en frente de la casa de Jack Kerouac. Tristessa me esperaba allí, y otra vez, aluciné totalmente cuando descubrí que se trataba casi exactamente del mismo libro. De hecho, la clave se encontraba en el tercer libro, en el qué Antonin Artaud no dejaba de repetir: “Las cosas no son como las vemos y como las sentimos”, “el mismo hechizo inteligente se repite”, “la naturaleza manifiesta obstinadamente la misma idea.” (Los Tarahumara).

Entendí que lo esencial de mi trabajo se basaría en esto: Iba a tener que enfrentar una “Montaña de señales” que tendré que escaldar con mi cámara para tener la posibilidad de entender como es el México de hoy. Entonces, estos tres libros y estos tres autores iban a ayudarme e iban a servirme de guías. Siguiendo sus caminos, a lo mejor, iba a poder entender algo de este país al qué nunca fui. Porque por mucho que leí unos sesenta libros en la biblioteca de la Casa Europea de la Fotografía, por mucho que escruté las fotografías de Edward Weston, de Paul Strand, de Graciela Iturbide, de Henri-Cartier Bresson, de Manuel Álvarez Bravo (etc.), tengo la certeza que todavía no he visto nada.

Entonces, mi proyecto es muy sencillo: propongo fotografiar, de manera humilde, los lugares en los cuales estos tres autores escribieron. Sin embargo, en vez de empaparme de drogas como estos tres poetas visionarios lo hicieron, estaré empapado de literatura. Y no será la primera vez: desde mucho tiempo, los textos me llevan, e incluso me impulsan, a fotografiar. De esta manera, realicé un trabajo sobre Georges Bataille (d’Acéphale, 2001), Jean Cocteau (L’oiseleur, 2003), y también sobre Roger Vaillant y el Gran Juego de Praga (Fading, 2006)…

La literatura es un pretexto, pero de ningún modo es un déjà-vu: si lo comparamos con la escritura, la fotografía tiene la escasez (o la ventaja), de conjugarse siempre en presente. Así, no se tratará de tomar una vista frontal de la casa de Jack Kerouac, ni de la de “Laruelle” en Cuernavaca, tampoco se tratará de una u otra forma que Artaud vio en las Montañas de la Sierra Tarahumara, al contrario, será un detalle que habrá detenido mi atención dos calles antes, o dos cerros mas allá y que me hablarán, me darán una señal de manera instantánea.

Esta es la razón por la que este proyecto no tiene ningún sentido de “peregrinación” cuya meta sería de rendir un homenaje demasiado exagerado. La cosecha de todas estas señales que estoy a punto de hacer (una vez seleccionados y separados) tendrá, lo espero, todo sentido en el marco de una serie fotográfica que quiero, sea independiente respecto a estos relatos – los cuales son ante todo viáticos para mí. En efecto, es porque los libros mexicanos de estos tres grandes escritores europeos (Kerouac es de origen bretona…) están cargados de miles de imágenes, lo que Artaud llama en Los Tarahumara “un milagro óptico análogo” – que espero poder llevar de mi viaje un tipo México Photo Blues: poema visual sobre el México de hoy visto por un francés.


Photographe Français
En résidence au Mexique du 28 juin au 14 août 2010

MEXICO PHOTO BLUES

Une phrase d’André Breton, notée dans un carnet au hasard de mes lectures m’a engagé au rêve: J’ai rêvé du Mexique et je suis au Mexique : passer de l’un à l’autre s’est fait de cette façon, sans le moindre heurt.

Dans ce pays aussi riche et vaste qu’est le rêve, il me fallait donc chercher un guide. Un guide non pas touristique, mais spirituel... Et j’en ai trouvé trois. Le premier m’a été soufflé par mon ami Bernard Plossu (photographe français, auteur du Voyage Mexicain, 1966) qui m’a conseillé de lire le fameux livre de Malcolm Lowry Au-dessous du Volcan. Ouvrage sidérant qui m’a ouvert la porte d’un Mexique énigmatique et magique m’ayant littéralement « reversé de l’autre côté des choses »
(Artaud). Le voyage semblait débuter là, et j’ai alors commencé à inscrire des points sur une ligne qui m’engagea bien vite à suivre les traces du Consul de Lowry à Cuernavaca. J’ai donc fait ma petite enquête, scrupuleusement noté les lieux et les adresses, compulsé des bréviaires et des sites Internet labyrinthiques, quand je me suis soudainement retrouvé au 212 rue d’Orizaba à Mexico, juste en face de la maison de Jack Kerouac. Tristessa m’y attendait, et je fus une nouvelle fois sidéré de découvrir qu’il s’agissait presque du même livre. En fait, la clé se trouvait dans un troisième ouvrage où Antonin Artaud ne cessait lui aussi de répéter : « Les choses ne sont pas telles que nous les voyons et que nous les ressentons », « le même charme intelligent se répète », « la nature obstinément manifeste la même idée » (Les Tarahumaras).

J’ai compris que l’essentiel de mon travail se tiendrait là : j’allais avoir à faire à une « Montagne de signes » qu’il me faudrait savoir escalader avec mon appareil photographique pour avoir une chance de voir à quoi ressemble le Mexique d’aujourd’hui. Ces trois livres et ces trois auteurs allaient donc m’y aider et me servir de guide. En mettant mes pas dans leurs pas, j’allais peut-être enfin pouvoir comprendre quelque chose de ce pays où je n’ai – soit dit en passant – jamais mis les pieds. Car j’ai eu beau feuilleter une soixantaine de livres à la bibliothèque de la Maison Européenne de Photographie, j’ai eu beau scruter les photographies d’Edward Weston, de Paul Strand, de Graciela Iturbide, d’Henri Cartier-Bresson, de Manuel Alvarez Bravo (etc.), ainsi que celles de la jeune photographie mexicaine, j’ai très franchement la certitude de n’avoir encore rien vu.

Mon projet est donc très simple : là où ces trois auteurs majeurs ont écrit, je me propose moi, humblement, de photographier. Ainsi, au lieu de m’imbiber de drogues comme l’ont fait ces trois poètes visionnaires, c’est de littérature que je serais imprégné. Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois : depuis longtemps, des textes me portent – me poussent même – à photographier. J’ai ainsi réalisé un travail sur Georges Bataille (d’Acéphale, 2001), sur Jean Cocteau (L’oiseleur, 2003), et également autour de Roger Vaillant et du Grand Jeu à Prague (Fading, 2006)...

Prétextes donc, mais en aucun cas déjà-vu : et ce, pour la simple et bonne raison que la photographie a la faiblesse (ou l’avantage) par rapport à l’écriture de se conjuguer toujours au présent. Ainsi, ce ne sera sans doute pas une vue frontale de la maison de Jack Kerouac, ni de celle de « Laruelle » à Cuernavaca, ce ne sera à coup sûr pas telle ou telle figure qu’Artaud a vue dans les montagnes de la Sierra Tarahumaras que je photographierai, mais au contraire un détail qui m’aura arrêté deux rues plus tôt, deux cols plus loin et qui me parlera, me fera signe instantanément.

Voilà pourquoi ce projet ne contient en aucun cas les germes d’un « pèlerinage » destiné à un vain hommage qui serait par nature trop poussé. La moisson que je m’apprête à faire de tous ces signes (une fois triés et séparés) prendra, je l’espère, tout son sens dans une série photographique que je souhaite autonome vis-à-vis de ces récits – lesquels sont avant tout pour moi des viatiques. En effet, c’est parce que les livres mexicains de ces trois grands écrivains européens (Kerouac est d’origine bretonne...) fourmillent de mille images – ce qu’Artaud nomme dans Les Tarahumaras « un Miracle optique analogue » –, que j’espère pouvoir rapporter à mon tour de mon voyage une sorte de Mexico Photo Blues: un poème visuel sur le Mexique d’aujourd’hui vu par un Français.

Algunas fotos del trabajo realizado por Nicolas Comment
Quelques photos du travail réalisé par Nicolas Comment

 Extrait de la série "A***", 2004

Extrait de la série "La desserte", 2001
 
Extrait de la série "Berliner romanze", 2008